Réponse Houmbaba : Oui, le loup s’adaptera toujours, mais l’adaptation aux aléas n’est-elle pas d’abord la première exigence et qualité de l’agriculture ?

Le problème clé de la protection d’un troupeau en situation d’attaque n’est pas tant de tuer le (les) individu(s) concerné(s) que d’entrer en relation avec lui(eux) au moment de l’attaque. Le loup n’est pas mauvais en soi, c’est le « loup dans la bergerie » qui est mauvais. Et la société n’a pas d’effort à faire pour cohabiter avec le loup.

Pour se défendre, la problématique n’est pas de tuer l’assaillant, chose quasi impossible en situation. Il s’agit de rendre l’approche du troupeau difficile pour l’individu qui s’y essaie au moment de l’attaque, et que cette dernière présente des risques pour l’animal ou la meute. Des tirs d’effarouchement immédiats, susceptibles de blesser l’animal mais sans grande probabilité de le tuer (tir au canon lisse), sont donc nécessaires et utiles en situation d’attaque. Ce qui est très différent de l’approche officielle du MEDDE et du MAAF qui s’apparente à un « théâtre sacrificiel » où il s’agit de tuer à posteriori et au hasard un certain nombre de loups[1] en dehors des situations d’attaque. Avec les résultats et l’efficacité que l’on sait[2].

Par comparaison, le dispositif d’étude, de suivi et de contrôle dans l’Idaho permet d’éliminer 94 individus responsables de prédations récurrentes sur les troupeaux pour la seule année 2013, dont 22 loups capturés, marqués d’un collier et suivis par les agents des services techniques. Et 73 en 2012, dont 59 suivis par les équipes du « predator control ».

C’est pourquoi nous proposons d’expérimenter en France la capture scientifique dans le dispositif existant de suivi, de gestion du loup et de protection des troupeaux domestiques.

En effet, la solution n’est pas de tuer un animal au hasard, en dehors des individus responsables d’attaques avérées, récurrentes et après sommation (dès lors conviendrait-il d’être justement en mesure de les identifier et de les pister). C’est de faire en sorte que la meute qui n’a pas eu besoin pour exister au préalable de s’attaquer aux cheptels, se maintienne dans sa gestion d’elle-même basée sur la dynamique naturelle de ses proies sauvages.

Le loup est un animal social et politique, comme le prouve la complexité des relations, de conflits, d’association et de compagnonnage entre les meutes, qui adapte donc ses comportements aussi en fonction de celui des humains et de leurs usages des territoires in fine. Les animaux supérieurs ne peuvent partager un territoire qu’à la condition d’entrer en contact, pour se signifier leurs intentions respectives. Et partager ce mode vital d’existence, « cette alternance du visible et du caché[3] », de fuite, d’évitement, d’effleurement, de rencontre ou de confrontation.

Ailleurs dans le monde, la cohabitation des troupeaux avec des populations de loups beaucoup plus importantes, nécessairement sous la pression permanente d’attaques, produit des résultats beaucoup plus réduits qu’en France quant aux nombres d’attaques de troupeaux et d’animaux tués. Le taux de prédation sur les cheptels domestiques[4] constaté en 2004 ( < 0,1% quel que soit le cheptel, ovin ou bovin) dans deux Etats américains, 10 ans après la réintroduction du loup en 1995 et 1996, est conforme à celui envisagé avant réintroduction. Un tel taux  considéré « sans impact cumulatif sur les élevages » autorise toutefois des opérations de capture et de contrôle -y compris létal si nécessaire- des loups occasionnant des attaques réitérées.

L’efficacité des dispositifs de protection, toujours nécessaires, ne peut être améliorée que par l’utilisation de la capture scientifique, le suivi des meutes et le contrôle -y compris létal- des individus responsables des conflits récurrents avec l’élevage. A ces conditions, le taux de prédation constaté sur les troupeaux domestiques dans quatre Etats américains ( 850 000 km2) est au moins dix fois inférieur à celui observé en France en 2012, et pour une population de loups six fois plus importante !

Des équipes d’intervention et de résolution des conflits, composées de deux trappeurs formés, mises à disposition dans les régions concernées, pourraient assister les éleveurs et les troupeaux à risques, en situation d’attaque, pour « négocier fermement des limites et des frontières » et ainsi réduire fortement les cas de mortalité sur le cheptel domestique. Une proposition d’expérimentation dans les secteurs d’attaques récurrentes, bien connus, a été proposée dans le cadre du PNL 2013/2017. Nous attendons toujours la réponse des services et les moyens pour l’engager.

Oui, l’Etat doit intervenir pour produire autre chose, dans la relation entre une espèce protégée de grand prédateur et l’activité la plus exposée, l’élevage. La décision de tuer l’animal qui revient attaquer, après avoir été capturé, marqué d’un dispositif de suivi et relâché, revient à une situation de souveraineté rétablie, d’un devoir de protection dû à l’éleveur et à son activité. Aucune cohabitation envisageable et viable avec un grand carnivore n’est possible sans ce pré requis : la confiance des éleveurs sur la capacité des autorités à les protéger et à contrôler les « loups à problèmes[5] ».

Nous sommes donc très étonnés, au Groupe National Loup, de l’attitude des associations de protection de la nature (FNE, WWF et FERUS). De les voir, plutôt que d’expérimenter une autre technique susceptible d’abord de connaître les « loup français », l’organisation des meutes et d’influer sur le comportement de l’animal à problèmes (d’identifier et de suivre le (les) individu(s) causant les attaques et donc d’éviter de tuer au hasard d’autres loups), préférer cautionner la nécessité vengeresse -bien que la vengeance soit parfois respectable- d’abattre au hasard un « taux » donné de loups correspondant à un pourcentage d’accroissement théorique de la population. Alors que la controverse pour l’établissement des ZPP ne permet pas de connaître l’effectif présumé, la composition et l’organisation des meutes, reproductrices ou non, le nombre de jeunes, la mortalité des « loups français », et encore moins leur comportement…


[1]            Chiffre établi à 24 loups sur la période 2013/2014.

[2]            Entre 2004 et l’été 2013, pour 40 autorisations de tirs de prélèvement et 437 autorisations de tirs de défense accordées,12 loups ont été tués. (sources : Lombardi A. 2013. La gestion du loup en France. Le Courrier de la Nature Spécial Loup, n° 278, p. 37- 45).

[3]            Bailly J. C.. Le Parti pris des animaux, Ed. Christian Bourgois 2013.

[4]            P.J. White et al, 2005. Yellowstone after Wolves, Environnmental Impact Statement Prédictions and Ten-Year Appraisals, Yellowstone Science, volume 13 (1), Winter 2005, p. 34-41.

[5]            Individus responsables des dommages aux troupeaux.

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