« Dans l’usage de la terre, on est ce que l’on pense »
Aldo Léopold, Almanach d’un comté des sables 1

Le retour du sauvage comme paradoxe de la modernité.

Dans tous les pays dits « développés », la puissance économique, qui est le propre de notre civilisation industrielle et la marque de la modernité, a pour effet paradoxal de laisser jusqu’à 30 % du territoire national hors des circuits productifs classiques, créant progressivement des poches de déprise rurale qui sont autant de zones à l’abandon par où revient le loup. Le loup, ce prédateur dont l’éradication fut un des premiers critères de la modernité, exprime donc dans son retour la dimension saugrenue d’une civilisation aboutie qui produit en son sein des poches de sauvagerie caractérisées par une spontanéité biologique imprévue, improbable, innovante.
Le sauvage, considéré ici comme ce qui résiste à la volonté humaine et à la représentation en ce qu’il produit de l’impensé, nous révèle la dimension négative de notre projet de civilisation : nous vivons loin de la nature, nous avons toujours eu peur de sa puissance dévorante, nous nous réfugions dans une dynamique culturelle pour laquelle la domination et la domestication de la nature restent des valeurs fondatrices.
Le sauvage exige d’abord une réflexion sur l’altérité. Nous verrons que la figure réelle d’Autrui pour l’homme, ce n’est pas l’autre homme mais d’abord le prédateur. Le sauvage est ce qui dévoile notre incapacité de parler de la mort, et de la vie (si la vie est bien, comme le dit Bichat, l’ensemble des forces qui résistent à la mort), autrement que d’un point-de-vue moral, et donc morbide au sens nietzschéen du terme. Les discussions autour des prédateurs restent le plus souvent des débats moraux, alors que penser le sauvage relève d’abord d’une réflexion éthique s’engageant radicalement sur des valeurs ou des perspectives vitales, ce que Canguilhem appelle des « allures de vie »2 (…)

Lire l’article complet : http://www.houmbaba.com/penser-comme-une-montagne-enjeux-epistemologiques-et-anthropologiques-du-retour-du-sauvage/(ouvre un nouvel onglet)

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